Changer de langage mais pourquoi faire

POURQUOI parler différemment ?

C’est quoi les objectifs de ce projet politique ?

1- Parce que la façon dont je parle influence la façon dont je pense

Le langage précède la pensée ? En tous cas, j’ai l’impression que j’utilise les mots à ma disposition, avec les règles à ma disposition pour mettre ces mots ensemble, pour construire ma pensée et la partager avec les autres. Donc les mots et conventions de langage qui existent influencent ma façon de penser le monde.

Je n’ai pas d’autre point de vue sur la langue que celui qu’on m’a appris. Si ces règles que j’ai bien intégrées sont inégalitaires, je vais penser le monde comme étant « naturellement » inégalitaire, à l’image des règles que je perçois comme « naturelles » puisque je les utilise, comme les français·es, depuis qu’on me les a apprises.

2- Parce que le français est une langue sexiste et donc anticonstitutionnelle

La langue française fonctionne aujourd’hui d’une manière vicieuse et sexiste, puisqu’on considère que « le masculin l’emporte sur le féminin ». Si ce n’était pas si tragique, ce serait drôle : un pays qui se réclame de l’égalité dans sa devise nationale « oublie » de l’appliquer à sa propre langue. Ça n’a rien d’irréversible, c’est le résultat de luttes politiques, dans l’histoire il y a eu des règles et conventions égalitaires en français.

Rappelons que le sexisme, comme le racisme, est illégal. Notre langue ne respecte donc pas nos propres lois.

Le « masculin genre neutre », convention sexiste martelée à l’école, implique qu’en fonction du contexte on est censé·e deviner si le masculin désigne le genre masculin (exemple : « ils ont un pénis ») ou le genre neutre (exemple : « tous les citoyens ont le droit de vote en France en 2015 »). Il faudrait donc comprendre, dans la deuxième phrase, qu’on parle non pas des citoyens, mais des citoyens ET des citoyennes. Car oui, il existe un mot pour désigner les femmes qui ont la citoyenneté !

3- Parce que je veux parler d’égalité

Donc, si je veux parler d’égalité, je dois utiliser un outil de parole égalitaire. Sinon, ce serait comme dire « les négros et les bougnoules sont des gens comme nous » : une contradiction dans les termes (utiliser une terminologie raciste pour donner un argument non raciste = se contredire). À chaque fois que quelqu’un·e se dit défenseur·seuse des « droits de l’homme », il ou elle oublie que nous sommes toutes et tous des humains et que les droits de l’homme oublient la moitié de l’humanité. Nous sommes le seul pays à parler encore de « droits de l’homme » (avec ou sans majuscule) alors que le reste du monde a compris et parle de « droits humains »…

« La lutte pour l’égalité, pour la liberté implique une lutte contre la langue du mépris » (Marina Yaguello, linguiste, dans Les Mots et les femmes, 1970)

4- Parce-que c’est génial d’inventer et de découvrir des langues !

J’ai rencontré des personnes géniales qui travaillent là-dessus (sur les dessous de la langue) ou se posent des questions. C’est surtout des femmes, souvent féministes, plutôt féministes matérialistes…

On a peut-être « découvert » tous les coins et recoins de la planète, mais on n’a pas fini de découvrir les coins et recoins de nos langues. Alors mélangeons-les, nos langues colorées, faisons des tambouilles, inventons des mots, expérimentons d’autres règles égalitaires, prenons la liberté de ne plus utiliser la langue de ceux qui veulent être nos maîtres, et rêvactifions la vie ! 😉

Et puis en vrai, tout existe déjà. La langue française n’a pas toujours été sexiste, loin de là, et une langue beaucoup plus égalitaire était utilisée et validée par les instances officielles du pouvoir. Donc on peut simplement reprendre ce qui a déjà été réfléchi, et mettre à jour…

5- Parce que c’est qu’un premier pas nécessaire (mais pas suffisant)

PARLER une nouvelle langue, une langue égalitaire, semble difficile ? Et bien, en fait, c’est probablement le pas le plus facile dans la marche vers l’égalité. Parce-que ce que nous devons surtout faire c’est AGIR d’une nouvelle manière, et ne plus reproduire les violences sexistes du quotidien, celles dont nous sommes tous, moi en premier, les agents plus ou moins conscients.

Je crois que nous rendre compte que nous parlons (presque) toutes et tous de manière sexiste, sans même le vouloir, est un premier (petit) pas pour nous rendre compte de l’étendue du sexisme chez nous-mêmes et chez les autres.