— LE JEU DES 7 DIFFÉRENCES —
Maintenant que vous connaissez un petit peu la carte des peuples, jouons !
La règle du jeu, à imprimer et partager (A5 noir & blanc) Détail des réponses (à imprimer)
C’est plus facile si vous avez déjà commandé la carte des peuples : mettez la sur un mur à côté d’une planisphère « classique » (carte des impérialistes inconscients) si vous en avez une. Sinon, avec des images sur ordinateur ça marche aussi…
OK. Le jeu, c’est d’essayez de trouver les différences entre ces cartes… J’animais ce jeu lors de ma conférence gesticulée, ça marche à tout âge ! C’est parti 🙂
Quelques réponses possibles ci-dessous ; pour chaque différence, j’écris en bleu le choix de représentation des planisphères impérialistes, et en vert le choix de représentation de G. Onesta.
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Différence #01 : la rose des vents
Nord vers le haut vs Sud vers le haut
C’est la différence la plus « visible »… En vérité le Nord n’est ni au-dessus de nos têtes ni sous nos pieds. Pas plus en haut qu’en bas. Sortez vos boussoles : il est au Nord ! Vers l’aiguille rouge… C’est ni plus juste ni plus faux de le représenter en bas sur une carte… Il n’y a donc pas de planisphère « à l’endroit » ou « à l’envers », car comme l’écrit Gérard Onesta dans le texte au bas de la carte : « Dans l’espace interplanétaire, la notion de haut et de bas n’existe pourtant pas » : nous sommes toutes et tous les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, sur une boule qui tourne dans l’Univers…
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Différence #02 : la projection
Projection de Mercator vs Projection de Peters
Et oui, sur la planisphère convivialiste les continents ont l’air tout étirés, comme amincis par rapport à d’habitude… C’est parce-que pour passer de la 3D à la 2D, de la sphère au plan (pour construire une planisphère), il faut utiliser une formule mathématique, une projection. Et forcément, on perd de l’information, car on ne peut pas dérouler une enveloppe sphérique sur un plan sans la déformer ; pour s’en rendre compte concrètement : pelez une orange en gardant la peau le plus possible en un seul morceau, et essayez de la mettre à plat : ça marche pas, ça se déforme, ça se déchire…
La projection que l’on connaît, c’est celle de Mercator, un homme blanc mathématicien, géographe et cartographe, qui a inventé la projection qui porte son nom, au XVIème siècle. Cette projection dite « cylindrique tangente conforme » a l’avantage de conserver les angles, donc les formes, ce qui permet notamment de se déplacer en bateau au compas sur une carte maritime. Pratique pour aller découvrir le monde ! Traduction : aller piller le monde et satisfaire nos besoins impérialistes ; car rappelons que la cartographie a été très utilisée comme instrument de guerre.
Bref, le problème de la projection de Mercator, c’est que ça exagère les surfaces quand on se rapproche des pôles. Donc sur la planisphère impérialiste, la Russie qui est au Nord a l’air beaucoup plus grande que le continent africain qui est vers l’équateur, alors qu’elle est en vérité deux fois moins vaste (Russie = 17 M km2 ; continent Africain = 30 M km2). Le Groënland, 2 M km2, a l’air aussi vaste que l’Amérique du Sud, 17 M km2. Ces cartes sont pourtant censées représenter notre monde : c’est raté !
Alors laissons Mercator derrière nous : c’était bien pour les marins y’a 5 siècles, mais c’est malhonnête, faux et dangereux d’utiliser ça pour représenter le monde aujourd’hui ! Entre temps, on a inventé mieux : la projection de Peters, qui conserve les surfaces.
La projection de Peters, ou plutôt de Gall-Peters est une projection « cylindrique équivalente« , qui conserve donc les surfaces, ou plus précisément les rapports de surface entre les masses continentales. Terminées les inégalités de traitement cartographique entre le Nord et le Sud !
Merci à James Gall, homme blanc pasteur et astronome du 19ème siècle convaincu de l’existence des martien·ne·s, qui a défriché le terrain, et à Arno Peters, homme blanc historien et cartographe du 20ème siècle, qui a précisé et fait connaître cette projection égalitaire !
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Différence #03 : les limites
Frontières entre les êtres humains vs Zones naturelles
Sur la planisphère de la domination, les limites entre les couleurs de la carte sont des limites administratives : les frontières entre les États-Nations. Ces frontières, causes ou conséquences de nombreux conflits, sont donc les limites « normales » sur cette carte.
Sur la planisphère de G. Onesta, les limites entre les couleurs de la carte sont des limites naturelles : les formations végétales (déserts polaires, toundras boisées, forêts subtropicales, savanes sèches, etc), qui sont intimement liées au climat. L’auteur explique dans son texte : « Notre planète a un fragile équilibre, résumé sur le dessin par l’indication schématique des principales zones naturelles. On sait hélas que certaines d’entre elles, comme les forêts, les prairies ou les mangroves, de même que tous les êtres qui y habitent, sont gravement menacés par l’activité humaine et par les dramatiques dérèglements climatiques que celle-ci a enclenchés. Il est urgent d’agir pour préserver cette biodiversité, patrimoine inestimable qui, au-delà de sa beauté, est également indispendable à la survie et au développement dans la dignité pour toute femme et tout homme. »
Pour moi, c’est aussi un message qu’il existe d’autres animaux que l’espèce humaine sur Terre, prenons donc soin de tous les êtres vivants !
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Différence #04 : le texte
Noms d’États vs Noms de peuples
Sur la planisphère de la diversité, les toutes petites écritures noires sont les noms des peuples. G. Onesta s’explique : « Diversité des paysages, diversité de la famille humaine également. Cette famille ne peut être décrite par le simple découpage, souvent arbitraire, des États-nations actuels ; les frontières des États apparaissent telles des cicatrices héritées du passé, une grille, parfois douloureuse, plaquée sur une réalité humaine beaucoup plus mouvante et subtile. Cette carte insiste donc sur ce que les planisphères géopolitiques ont tendance à vouloir effacer : les peuples. Même s’ils paraissent innombrables sur ce dessin, bien des peuples y manquent pourtant encore »
Les choix de représentation des peuples sont évidemment subjectifs et incomplets. Tout comme les choix de représentation des pays ; par exemple en Afrique, selon quel État est reconnu comme tel, il y a en réalité entre 54 et 74 États…
Aucune explication vs texte explicatif
Sur les planisphères récupourries, il n’y a pas de texte expliquant les choix de représentation, le choix de la projection de Mercator, ou la signification politique de la planisphère. Sur la carte des peuples, l’auteur Gérard Onesta a écrit un texte en bas à gauche (que vous pouvez lire sur cette page), pour expliquer ses choix de représentation, et le sens politique de ces choix.
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Différence #05 : le centrage
Méridien de Greenwich vs berceau de l’humanité
Arno Peters demandait à ce que le méridien 0, utilisé comme référence mondiale pour déterminer les longitudes, soit placé non pas à Greenwich, lieu choisi par les anglais du temps de l’époque coloniale, mais à la ligne de changement de date, quelque part dans le Pacifique. J’aime cette idée…
Gérard Onesta a choisi de centrer sa carte des peuples sur le continent africain, berceau de l’humanité. Symboliquement, ça change tout. Visuellement, ça ne change pas beaucoup des planisphères impérialistes car l’Afrique est dans des longitudes proches de zéro : de 15° Ouest à 45° Est environ.
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Différence #06 : le support
Papier plastifié vs papier recyclé
Beaucoup des planisphères que j’ai trouvées dans le commerce sont en papier blanchi fin, plastifié (pétrole) pour tenir dans le temps.
La planisphère renversante est en papier recyclé très épais (350 g/m2), imprimé avec des encres végétales, et avec un vernis de finition pour une longue durée de vie et la tenue des couleurs dans le temps. C’est donc un objet écologique sur le chemin du « post-pétrole ».
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Différence #07 : dates d’édition
Dates fonctionnelles vs Évènements historiques
Les dates des éditions, pour celles décidées par Gérard Onesta ou moi, correspondent à des évènements historiques clés :
- 12 octobre (édition 1992) : les amérindiennes découvrent Christophe Colomb, lui qui pensait être arrivé en Chine -la cartographie de l’époque était légèrement plus rudimentaire qu’aujourd’hui-, Christophe Colomb le colon qui donne une dimension internationale à la guerre coloniale.
- 8 mars (édition 2015, la première que j’ai coordonné) : journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Les femmes, classe, peuple opprimé sur l’ensemble de la surface planétaire par les hommes au travers du système de domination patriarcal.
- 27 octobre 2017 : émergence d’un peuple dans la non-violence : la Catalogne proclame son indépendance.
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Bonus ! Différence #08 : la diffusion
Circuit capitaliste vs Coopérative
La planisphère convivialiste est :
- Créée par Gérard Onesta, membre du mouvement Nouveau Monde
- Imprimée par Escoubiac, imprimerie engagée
- Distribuée via un réseau de librairies indépendantes, magasins bios et associations.
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Bonus bis ! Différence #09 : « une » planisphère
« Un » planisphère vs « Une » planisphère
J’écris « une » planisphère, alors que dans le dictionnaire de l’Académie Française (= des vieux hommes blancs), c’est écrit « un » planisphère. Pourquoi écrire « une » ?
1- Et pourquoi pas ? 😉
2- Cohérence : tous les noms terminant par -sphère dans la langue française sont féminins. Sauf 2 exceptions : planisphère et hémisphère. C’est plus cohérent linguistiquement que tout soit au féminin du fait de l’origine du mot : UNE sphère à plat = une planisphère (ce à quoi on peut répondre : non, c’est UN plan d’une sphère ; c’est pas faux, c’est un choix différent !)
3- Usage : beaucoup de personnes m’ont écrit, quand j’utilisais le masculin comme dans le dictionnaire, pour me dire qu’on écrit « UNE » planisphère et non « un », et utilisent dans le langage courant le terme au féminin. Donc le dictionnaire est contredit par l’usage d’une partie de la population (qui doit instinctivement appliquer la cohérence lexicale décrite ci-dessus ?
4- Exemple : tout comme il est bon de renverser les conventions cartographiques (impérialistes), il est également bon de renverser les conventions linguistiques (sexistes). Changer le genre d’un mot est une manière de visibiliser la question des conventions de la langue française, et du rapport au genre.